Les 7 jours
Shiva
Ronit Elkabetz & Shlomi Elkabetz
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Critique

Familles au bord de la crise de nerfs

Il y a quatre ans, la comédienne Ronit Elkabetz, inoubliable mère à la dérive de Mon trésor, passait derrière la caméra. Et signait en compagnie de son frère Shlomi, Prendre femme, un premier film exutoire et vengeur où ils évoquaient l’histoire de leur mère. Une œuvre qui, dès les premières images, par son seul travail du cadre, du hors champ et de la durée de la séquence parvenait, sans surenchère scénaristique ni catharsis hystérique, à nous faire éprouver le drame et la solitude de cette femme face à une société patriarcale.
Dès les premières secondes de Les 7 jours, il est évident que non seulement Ronit et Shlomi Elkabetz sont en train de réussir l’examen de passage que représente le deuxième film, mais que surtout, à la fois sur le plan narratif et formel, ils ont acquis une indéniable maîtrise de la mise en scène.
Même si ce film se situe quelques années après Prendre femme, et que l’on y retrouve la plupart des protagonistes, on ne peut pas vraiment parler de suite, tant les deux films diffèrent.  Tout d’abord en terme scénaristique. Le récit se situe durant les sept jours suivant le décès d’un membre d’une famille. Un huis clos exigé par la tradition juive et les convenances. La première chose qui frappe, déroute quelque peu, mais intrigue, c’est que les deux auteurs ne cherchent pas immédiatement à remettre en évidence les liens généalogiques de cette famille. Il faut un peu de temps pour reformer les couples, reconstituer les familles. Loin d’être une faiblesse, ce flou temporaire s’avère au contraire la première force du film. Car ce qui intéresse avant tout les deux metteurs en scène, c’est de mettre en avant les relations humaines  qui régissent cette famille : les complicités, mais aussi les jalousies, les rancoeurs… Toutes les sédimentations délétères des non-dits qui nuisent depuis longtemps à la sincérité et donc à l’épanouissement personnel. Dans ce rapprochement forcé, où le trivial cocasse (une femme cherchant à tout prix à séduire un homme qui la voit à peine) côtoie le dramatique, les réalisateurs, grâce à un jeu probant de la temporalité de chaque scène, les deux cinéastes vont laisser éclore toute la violence sous-jacente.
Côté mise en scène, ils prolongent ici un travail de découpage spatial qui s’avère encore plus ambitieux que dans leur précédent film. De son passage au Théâtre du Soleil, Ronit Elkabetz puise l’inspiration pour un travail sur le champ et le hors champ d’une saisissante pertinence.  Chaque cadre, ainsi que la manière dont elle et son frère y inscrivent les corps ainsi que leurs mouvements et leurs déplacements, est une écriture autonome mettant en évidence les rapports de forces qui interagissent entre chaque membre de cette famille. Et leur façon de filmer le groupe familial, sorte de chœur antique de cette tragédie du quotidien, dont ils parviennent à capter et restituer la puissance mais surtout la force claquemurante et asphyxiante, est pour beaucoup dans l’impact émotionnel et la cohérence de cette deuxième oeuvre.

Xavier Leherpeur