Aanrijding in Moscou
Moscow, Belgium

Christophe Van Rompaey
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Critique

C’EST ENCORE ARRIVE PRES DE CHEZ VOUS

On savait depuis Wim Wenders qu’il existait un coin perdu au Texas qui s’appelait Paris ; avec son premier long métrage, Christophe Van Rompaey place sur la carte de Belgique, Moscou, quartier de Ledeberg, une petite banlieue ouvrière de Gand. Là-bas sur le parking d’un supermarché, Matty, mère de famille célibataire, percute le gros camion de Johnny, routier épais comme une allumette. Une engueulade des plus salée s’en suit, elle débouche sur un coup de foudre. D’autres collisions interviendront plus tard, encore plus frontales, encore plus sentimentales. Moscow, Belgium est un film cabossé, qui retape la carrosserie de la comédie romantique jusqu’à rappeler qu’on a trop vite catalogué ce registre comme désuet. Le cocon où s’épanouiront les tourtereaux mal assortis, sauf dans leurs caractères enflammés, n’est jamais lisse, plutôt passé au papier de verre, pour obtenir un réalisme râpeux mais tendre.
Le quartier "Moscou" existe vraiment. Il paraît que c’est là que l’infanterie russe a monté un camp pendant les guerres napoléoniennes. Van Rompaey filme une autre guerre, plus actuelle, plus doucereuse. Celle d’une reconquête de soi passant par une bataille amoureuse faite de résistances et de lâcher-prises. Tout commence par une marche arrière mais Moscow, Belgium cherche toujours à regarder de l’avant. Normal, il faut savoir prendre un minimum de large pour mieux encadrer un portrait de groupe. Ce recul qui finit par jumeler la banlieue belge selon Van Rompaey avec celles, anglaises, que filment Ken Loach ou Mike Leigh, un peu de grisaille en moins. L’accent flamand comme celui des cockneys sonne comme une langue universelle, celle d’un quart-monde où la règle de vie, y compris dans les sentiments, est un système D. Au travers d’un portrait de femme, qui - usée par son quotidien de mère quadragénaire, larguée par son mari pour une jeune étudiante, larguée devant ses enfants ados rompus aux codes de communication modernes - a justement oublié ce que c’était que d’en être une. En l’accompagnant, Moscow, Belgium, embrasse une partie de la misère du monde pour lui restituer une émouvante dignité. Un film modeste sur la grandeur des petites gens.
Moscow, Belgium vient d’un pays qu’on dit plat, mais dont le cinéma ne cesse de prendre du relief : Van Rompaey est un réalisateur de plus apparu ces dernières années dans une production flamande en pleine effervescence. Une étincelle supplémentaire -aux côtés de Koen Mortier (Ex Drummer), Fien Troch (Someone Else’s Happiness) ou Nic Balthazar (Ben X)- pour allumer la mèche d’un cinéma populaire au meilleur sens du terme. Aussi inventif que terre à terre quand il s’agit de regarder en face ses personnages. Ils ressemblent à vous, à moi, à nos espoirs et nos fragilités. À leur image, ce nouveau cinéma belge, en train d’accéder à une reconnaissance du public des plus méritée, est humain. Profondément.

Alex Masson