Critique

Il serait facile de prendre le documentaire La Poudre aux yeux pour ce qu’il n’est pas, à savoir la vitrine flatteuse d’une démarche sincère devenue, le temps d’un hiver, un enjeu médiatique et politique. C’était en 2006, et l’association Les Enfants de Don Quichotte, menée par les frères Legrand, déclare la guerre à la pauvreté, exige des logements décents pour les SDF et tente de mobiliser en plaçant des tentes sur le Canal Saint Martin et en invitant tous à les rejoindre pour comprendre le quotidien des sans logis. Des mesures furent alors annoncées, sans véritable effet. Plus d’un an plus tard, les Don Quichotte livrent leur version de l’histoire avec ce documentaire filmé par leurs soins, qui retrace le mouvement, de ses prémices jusqu’à son épilogue (provisoire). La Poudre aux yeux donne donc la parole à ces sans logis qui en sont souvent privés. Mais il décrit aussi, avec une précision plutôt impartiale, les rouages du mouvement et de l’engagement, des sacrifices à effectuer, des calculs à réaliser pour rendre son action effective, et du jeu dangereux mais nécessaire qu’il faut jouer avec les médias. Ce faisant, le film devient un témoignage poignant autour d’une question vitale : qu’est-ce qu’un engagement militant, comme cela fonctionne t’il, comment le rendre efficace sans perdre de vue ses objectifs ? La Poudre aux yeux dissèque ce mécanisme, et livre ainsi la vision brute et sans fard d’une action politique en marche, et de ses doutes, dans les années 2000. 

Pierre-Simon Gutman