Lost Persons Area
Caroline Strubbe
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Critique

Semaine de la Critique

Reprise de la Quinzaine des Réalisateurs au Forum des Images, de la 48ème Semaine de la Critique à la Cinémathèque française : Paris se fait cannois, palmiers et mer en moins. Public différent aussi, moins mélangé, parfois ayant pour moitié participé au film et s'en venant le découvrir. Depuis 1962 la Semaine de la Critique se consacre à la découverte de jeunes talents en sélectionnant des premiers ou deuxièmes films – la qualité épate (enfin bon, The Chaser était aussi un premier long-métrage), mais les projets sont nourris depuis parfois de longues années avant de voir le jour. Tout relativement cependant, puisqu'ensuite la distribution est souvent discrète, voire invisible, surtout pour ce qui est du court-métrage qui à chaque séance précède le long. Retour sur quelques projections.

L'émotion est bien plus nuancée dans Lost Persons Area de Caroline Strubbe. Le décor, d'emblée, est étrange et interpelle : un no man's land seulement traversé verticalement par les silhouettes squelettiques des pylônes de lignes haute tension. Au milieu vit un couple, l'homme chargé des travaux de construction des pylônes. Il y a une petite fille (Kimke Desart), silencieuse et perdue, dont le monde intérieur va devenir de plus en plus envahissant à mesure que ce qui l'entoure se dérègle : l'homme devant faire appel à un autre pour l'aider dans son travail, l'homme se blessant, la femme solitaire devenant infidèle ; tout cela par glissement successif au gré des quêtes d'objets hétéroclites de la petite fille. D'enfantin à mortifère, le jeu se complique et cherche l'harmonie géométrique en rempart contre la perte de repères et de confiance. La caméra portée tout au long du film – et c'est remarquable de fluidité et de beauté – finit par se mettre au niveau de la petite fille pour découvrir le monde, comme le faisait la caméra de Champetier dans Ponette de Doillon. Le film ne juge pas, pas plus que ne semble le faire le regard de l'enfant : il rend sensible, grâce à la performance de Kimke Desart (elle doit avoir 6 ou 7 ans...), à un univers étrange et inquiétant mais dont l'écho laisse étourdi – de peur, de question, de beauté.

Piera Simon
Quartier Libre Online
Juin 2009