Sirta la gal ba
(Whisper with the Wind)

Shahram Alidi
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Critique

Radio-Aide

Communiquer est si aisé de nos jours – on tape ces lignes sur un Blackberry – qu’on en oublie qu’il s’agit parfois, souvent, d’une question de vie et de mort. C’est ce que se charge de rappeler Whisper with the Wind de manière élégiaque et politique en mettant en lumière les sublimes montagnes du Kurdistan irakien – longtemps opprimé par le régime de Bagdad. C’est là qu’exerce Mam Baldar, « l’oncle volant », plus rustique qu’un téléphone portable mais sans doute plus puissant. Qui rappelle même au détour d’un plan, dans un genre certes très, très différent, une version barbue de John Cusack dans le film Singles de Cameron Crowe. Le vieil homme au volant de sa camionnette est un messager. Un messager de vie d’autant qu’il ne convoie que des enregistrements vocaux – des messages de mères inquiètes ou d’invitation à des équipes de foot. Même rapporteur de funestes nouvelles, il entretient la voix. Une fixation orale qui est la seule voie d’issue pour des populations isolées, avides de nouvelles de leur proche. La voix sur bande, intérieure, porte celle de l’identité kurde. Elle est l’enjeu de ce très beau poème visuel, panoramique, regorgeant à foison de séquences fulgurantes et stylisées : reflets dans une mare, miroirs, filmage à travers des vitres et surfaces. Cette même grammaire – ainsi que le motif du cercle – achève aussi d’enfermer le cadre et les personnages. Il s’agira d’en sortir à travers des plans de pure contemplation – notre messager pique un roupillon - sur un Kurdistan décidément très cinégénique. 

Pour ce premier film décidément très maîtrisé, Shahram Alidi promène sur un rythme faussement nonchalant son attachant messager. Qui traverse le folklore kurde au gré de ses livraisons. Il y a des moments absolument poignants, tel ce gamin écrivant un message éphémère sur le camion de Mam Baldar. Ou ce mariage. Ou ces veuves se confondant avec les pierres du paysage. Mam Baldar sera souvent confronté à la mort – suite aux exactions de l’armée irakienne – mais s’accroche à sa radio. Live. Transmission (comme chanterait Joy Division). Littéralement. Whisper with the Wind est moins un chuchotement étouffé qu’un cri de vie absolu – et pas seulement parce que Mam Baldar traverse tout le pays pour capter le hurlement d’un nouveau né. Il s’agit d’abord d’un cri de résistance, même dans ses passages les plus surréalistes, comme un certain « arbre à radios ». Un cri qui ne manquera pas d’être entendu sur la Croisette et devrait rendre non pas radio gaga mais radio actif.

Léo Soesanto