Hierro
Gabe Ibañez
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Critique

La Mère des Larmes

Cela commence fort : un accident de voiture et un enfant disparu, peut-être volé – cette scène primitive que l’on retrouve des pages des contes de fées à la une des faits divers, en passant par Peter Pan. De là, le premier film de Gabe Ibanez déroule brillamment le film de genre entre deux eaux (cette fameuse île de El Hierro), brinquebalant dans un climat oppressant – où justement, l’eau ne dort jamais. Maria, à la recherche de son fils, plonge. Elle est intensément incarnée par Elena Anaya (Lucia y el Sexo, Parle avec elle), belle comme une lame. Elle évolue dans un labyrinthe mental constellé de signes tranquillement et implacablement funestes : un poisson placide dans un aquarium, un corbeau butant contre une vitre, une tête de poupée, un ballon qui roule, un modèle réduit de voiture. Des petits riens faisant partout d’un grand tout, d’un grand doute. 

Ibanez joue perpétuellement de l’espace, qu’il soit restreint (et donc claustrophobe), propice à la chute, ou tout simplement incongru, comme sorti de nulle part : cette serre de palmiers ou un champ de caravanes. Les spectateurs, comme l’héroïne, en viennent à se laisser flotter ou à se débattre comme pendant une noyade. Loin de se cantonner au fantastique, Hierro est surtout un beau portrait de mère borderline, de fer (traduction littérale du titre), léonine, prête à sortir inlassablement ses griffes quand il s’agit de défendre sa progéniture – une cousine espagnole de la Mariée Uma Thurman dans Kill Bill. Voilà bien la spécificité du cinéma de genre espagnol : maternel, hanté. « J’ai besoin d’être dans l’eau », réplique Maria. Tout est dit : le contact liquide, apaisant, prénatal. Quand tout allait bien. Mais aussi, quand on s’y immerge totalement et assez longtemps, l’occasion de scruter les grandes profondeurs. A commencer par les siennes.

Léo Soesanto